Pendant plusieurs années, la seule voie de sortie du territoire de Kingsey est le Chemin de la Rivière qui donne accès au chemin de Saint-Grégoire. Ce n’est qu’au milieu du 19e siècle que de nouvelles routes sont apparues pour remplacer les anciens sentiers. Plusieurs ponts et ponceaux sont également venus faciliter la circulation dans Kingsey. À l’aube du 20e siècle, 13 rangs de terre sont ouverts.
Un système de traverse par bac est installé sur la rivière Saint-François en face de L’Avenir. Le premier propriétaire est John McLean dont la relève est assurée par son petit-fils John Saint-Clair McLean en 1870. Ce dernier a décidé de vendre la traverse à Calixte Jutras en 1888. Son fils, Omer Jutras, a laissé son beau-frère Oscar Lachapelle gérer la traverse dans les années 1920. La traverse a arrêté ses opérations en 1947 puisqu’elle ne rapporte plus assez d’argent. En outre, les municipalités de Kingsey et de L’Avenir ne veulent pas en assurer le financement. Les gens de Kingsey peuvent également utiliser la traverse Husk qui est en fonction dès 1876 et ce, pendant une cinquantaine d’années. Plusieurs enfants d’Ulverton ont bénéficié de cette traverse pour se rendre à la « Consolidated School » de Kingsey.
Tous les espoirs de prospérité sont permis à Kingsey. Selon les dires du notaire St-Amant, le site du « French village était tellement pittoresque et enchanteur qu’on espérait y fonder une ville, la première des Cantons de l’Est ». Toutefois, ces espoirs se sont éteints lorsqu’on a réalisé que le train ne passerait pas à Kingsey.
Deux versions différentes expliquent que le train n’ait pas circulé à Kingsey. D’une part, William Van Del Venden aurait demandé qu’il n’y ait pas de chemin de fer à Kingsey afin de limiter l’arrivée de nouvelles marchandises dans le village. Craignant pour son propre commerce, Del Venden aurait mentionné plusieurs inconvénients à la compagnie Peto, Brassy, Betts & Jackson afin de la dissuader de construire une voie ferrée dans Kingsey. Un des prétextes invoqués est que cette municipalité représente un « bourbier infect ». D’autre part, le marchand John Wadleigh figure aussi au banc des accusés dans les chroniques de Thomas Quinn. En effet, Wadleigh est soupçonné d’avoir privilégié son monopole car ce commerçant ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de marchandises à Kingsey. Peu importe qui a influencé la décision de la Cie du Grand Tronc, le résultat est le même et la ligne de chemin de fer n’a pas eu sa place à Kingsey. Elle est plutôt passée à Richmond en 1854.
Le rêve d’obtenir une voie ferrée est revenu préoccuper les résidants de la municipalité. En 1871, la South Eastern Railway (SER) veut construire une voie ferrée dans l’ensemble du comté de Drummond et qui passerait par Kingsey. Pour ce faire, la SER a exigé et convaincu la municipalité de Kingsey d’acheter de ses actions. Toutefois, cette nouvelle tentative d’obtenir le train s’est révélée comme un autre échec puisque la « Corporation du comté de Drummond n’avait pas pris les garanties suffisantes pour forcer la Cie d’agir ». La SER a donc construit certains tronçons surtout dans la région de L’Avenir et de West-Wickham. La municipalité de Kingsey a malheureusement été contrainte de payer annuellement des centaines de dollars à la SER même si le train n’a jamais circulé à Kingsey. Le temps des rêves de la première ville des Cantons de l’est à Kingsey est désormais bel et bien révolu.